Communiqué de presse du 21 août 2019

L’imprimé publicitaire est-il vraiment « responsable ? »

Annoncé comme « responsable » par le Syndicat de la Distribution Direct (16), défendu contre trop d’idées reçues par Adrexo (15), faussement comparé à la publicité numérique par Mediapost (17), l’imprimé publicitaire sème le trouble.

Alors « responsable » ou « pas responsable » cet imprimé publicitaire ?

Et le malaise vient peut-être du fait que l’imprimé publicitaire est fabriqué à partir d’une ressource naturelle, renouvelable et recyclable (la fibre de cellulose extraite du bois). Avec un tel champ lexical environnemental, tout laisse penser que le papier est un support durable. En réalité, il faut se l’avouer, l’imprimé publicitaire est responsable… oui… responsable de bien des impacts environnementaux :

Consommation énergétique :

L’activité bois et la fabrication du papier sont extrêmement consommatrices en énergie. Pour être fabriquée, une feuille de papier non recyclée nécessite environ 17 Wh et une feuille de papier recyclée 12 Wh (1). Ça ne vous parle peut-être pas mais c’est à peu près ce qu’il faut pour allumer pendant une ou deux heures une ampoule basse consommation… maintenant mettons en perspective cette consommation avec les 20 milliards de prospectus publicitaires distribués chaque année en France (2).

Consommation en eau :

L’activité bois et la fabrication du papier sont extrêmement consommatrices en eau. En Europe, l’industrie papetière se classe au 2ème rang des industries consommatrices d’eau (1). On estime qu’il faut environ 500L d’eau pour fabriquer 1kg de papier (3).

Consommation de bois :

Selon WWF, plus de 70% du papier graphique consommé en France provient de l’importation, dont certaines provenances présentent un fort risque de déforestation (5). L’imprimé publicitaire ne pourrait se prévaloir d’avoir sa part de responsabilité. Dans le monde, un arbre abattu sur 5 est consommé par l’industrie papetière (1). Et à ce jour 80% des forêts dites « primaires » ont disparu de la surface de la planète du fait des activités humaines (6). Adrexo dans son communiqué (15) vous annonce en gras que le papier n’a pas d’impact sur la déforestation en Europe… mais rappelons que le problème de la déforestation ne se trouve pas vraiment en Europe(4).

Emission de produits polluants :

La sylviculture (culture des forêts) est souvent consommatrice de produits controversés comme le glyphosate pour éliminer tout ce qui pourrait pousser entre les arbres… c’est le syndrome de la monoculture, ça tue la biodiversité et c’est tout de suite moins glamour (7). L’industrie du papier utilise de nombreux produits dangereux dont certains sont toxiques pour le milieu naturel et aquatique pour sécher et blanchir le papier, même quand il s’agit de papier recyclé (8).

Emission de gaz à effets de serre :

L’industrie papetière serait responsable de 1% des émissions globales de CO2 selon le CNRS (1). Les imprimeries sont consommatrices d’encres et de solvants qui participent également aux émissions de gaz à effets de serre (9). N’oublions pas le transport, certains imprimés publicitaires parcourent plusieurs centaines de km avant d’arriver dans votre boîte aux lettres. On est bien loin du commerce de proximité ! (10)

Un recyclage partiel qui reste polluant :

Recycler du papier, c’est mieux que de ne pas le recycler. Mais il y a mieux encore qui consiste à ne pas gaspiller inutilement le papier. Cela prend tout son sens quand on remet en perspective le fait qu’un quart du papier graphique utilisé en France est destiné aux prospectus (11). Et contrairement à ce qu’avance Adrexo dans son communiqué (15), seulement 57,6% du papier est recyclé en France actuellement selon CITEO (12). Adrexo semble mélanger les chiffres de recyclabilité du carton et du papier pour améliorer son indicateur mais ce n’est pas correct. Quand on parle de prospectus, on parle uniquement de papier.

Impact économique :

On croit faire des bonnes affaires avec les prospectus. Pourtant, cela reste toujours interdit de vendre à perte en France, cela signifie que même en promo les enseignes continuent encore de marger. Le coût investi par les industriels ou les enseignes dans l’imprimé publicitaire a été de 2,9 milliards d’euros en 2017 selon UFC Que Choisir. A cela s’ajoute les 200 millions d’euros du coût de collecte et du traitement de ces déchets… à la fin c’est toujours le consommateur qui paie. Cela reviendrait à près de 50 euros par personne, la bonne affaire ! (14)

Les français ne préfèrent pas le prospectus :

Adrexo avance dans son communiqué (15) que 17% des français ont apposé un STOP PUB et 30% des français ont installés un ad-block sur leur navigateur internet. Adrexo en arrive à la conclusion que le prospectus publicitaire est un média préféré vis-à-vis de son cousin numérique. C’est faux. Dans l’étude Bonial (13), qu’Adrexo cite par ailleurs, on retrouve bien 18% d’apposition de STOP PUB (chiffre cohérent avec les 17% annoncé par Adrexo – Balmétrie) mais on observe également que 14% de personnes supplémentaires n’ont pas l’autocollant STOP PUB mais souhaitent l’adopter. Toutes les mairies ne fournissent pas le STOP PUB ce qui peut expliquer la difficulté pour certains usagers à s’en procurer malgré la volonté d’adopter l’écogeste.

Etude Opinionway – Bonial
 Etude Opinionway – Bonial

Nous avons donc non pas 17% de personnes défavorables aux prospectus papier mais bien 34%. C’est-à-dire un chiffre cohérent avec les 30% d’ad-block. Le média papier n’est absolument pas un média préféré, c’est faux de l’affirmer. Et quand Adrexo affirme que « si la boîte-à-lettres ne dispose pas d’un Stop Pub, cela signifie que la personne a fait le choix de recevoir des publicités et donc que cette dernière est réceptive au message, qu’elle lit à un moment choisi » soit Adrexo décide ouvertement de mentir et tromper ses lecteurs, soit il ne sait pas lire et comprendre l’étude réalisée par OpinionWay. D’ailleurs quand OpinionWay annoncent que 61% des 18-34 ans ne souhaitent pas adopter le STOP PUB, cela devient « 65% des jeunes » pour Adrexo.

Mediapost n’est pas en reste, dans son guide « Pour un usage efficace et responsable du papier et du numérique »(17) il compare de manière très partielle, beaucoup trop partielle, les avantages du papier (ou fausses idées reçues des impacts du papier) contre les impacts environnementaux bien réels du numérique. Cette comparaison totalement dépourvue d’impartialité n’est pas cohérente avec une démarche RSE qui se veut par définition honnête intellectuellement. Si l’intention de Mediapost est vraiment de comparer les impacts du papier avec les impacts du numérique, il existe un formidable outil que tous les professionnels de la RSE connaissent et qui s’appelle « l’analyse de cycle de vie », qui consiste à tenir compte de tous les paramètres, pas uniquement ceux qui nous arrangent.

Ces récentes interventions nous amènent à nous poser des questions ! Rappelons qu’une campagne de désinformation sur le prospectus avait déjà été tentée en 2011 via l’OHM(18) et que celle-ci avait fait l’objet d’un signalement auprès de l’autorité compétente par la CNIDD(19). La condamnation était sans appel !

D’une manière générale, nous observons dans leur communication, les entreprises du prospectus jouent allègrement à faire des pirouettes avec les chiffres et les argumentaires (taux de recyclage, déforestation en Europe, taux d’appréciation des prospectus, impacts réels, impacts supposés) et nous nous devions de réagir pour rétablir un équilibre dans la vérité sur les impacts réels du prospectus.

Au-delà de ce communiqué nécessaire, STOP PUB tient toutefois à saluer les engagements pris par Adrexo et Mediapost de s’engager en faveur du respect de l’autocollant depuis 15 ans et d’avoir mis à disposition un outil de signalement des non-respects afin de remédier aux anomalies constatées par les usagers. Il encourage toutes les sociétés du prospectus à progresser dans leur démarche de prise en compte des impacts environnementaux et plus généralement dans leur politique RSE.

Pour aller plus loin, nous pensons qu’il est temps désormais d’aborder le sujet du « OUI PUB » la solution inverse au STOP PUB qui consisterait à ne distribuer de la publicité papier qu’aux détenteurs d’un autocollant « OUI PUB » sur leur boîte aux lettres. Cette solution « opt-in » étant plus efficace dans la prise en compte du choix réel du consommateur, une boîte aux lettres qui n’afficherait aucune mention, ne recevrait donc aucun prospectus. Des expérimentations vont être menées dans les semaines à venir, nous souhaiterions voir apparaître ce nouveau dispositif d’ici 2024.

 

Des solutions numériques existent pour continuer à profiter des promotions sans consommer de papier. Bien que l’impact du numérique soit souvent pointé du doigt par les industriels du papier (c’est de bonne guerre), nous pensons qu’utiliser le support papier pour une durée de vie très courte (les promotions durent rarement plus de quelques jours) est un véritable gaspillage. Soutenir le papier, oui nous y sommes favorables, pour un usage raisonnable comme des livres que l’on conserve des années et que l’on a plaisir de redécouvrir rangés sur une étagère, dans une bibliothèque, livres qui ne nécessitent aucune alimentation énergétique contrairement aux livres numériques. En revanche, l’utilisation du papier pour des promotions dont la durée de vie est très courte, quelques jours tout au plus, c’est scandaleux et cela doit changer.

 

 

Ensemble des sources :

1. https://ecoinfo.cnrs.fr/2010/11/23/les-impacts-de-la-fabrication-du-papier/
2. https://www.capital.fr/entreprises-marches/vers-la-fin-des-prospectus-papier-dans-nos-boites-aux-lettres-1324931
3. https://www.oieau.fr/chiffrecle/volume-deau-necessaire-pour-fabriquer-1-kg-de-papier
4. https://www.toutvert.fr/deforestation-regions-monde-touchees/
5. https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2017-07/10_etude-PAP50_Entreprise_2010.pdf
6. https://www.geo.fr/environnement/les-forets-primaires-des-ecosystemes-en-voie-d-extinction-171192
7. https://reporterre.net/Le-glyphosate-sevit-aussi-en-foret-dont-l-exploitation-s-industrialise
8. https://www.suezwaterhandbook.fr/eau-et-generalites/quelles-eaux-a-traiter-pourquoi/les-effuents-industriels/industries-de-la-pate-a-papier-et-papeteries
9. http://www.installationsclassees.developpement-durable.gouv.fr/Imprimeries.html
10. https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/leader-du-prospectus-lenglet-imprimeurs-a-vu-repartir-ses-volumes-a-la-hausse-488536
11. https://www.huffingtonpost.fr/2018/06/26/la-publicite-dans-les-boites-aux-lettres-represente-un-quart-du-papier-consomme-en-france-met-en-garde-que-choisir_a_23468183/
12. https://www.citeo.com/actualites/tout-ce-que-vous-revez-de-savoir-sur-le-recyclage
13. https://www.bonial.fr/info/prospectus-papier-et-stop-pub/Sondage-OpinionWay-Bonial_Les-Francais-et-le-Stop-pub_07-2015.pdf
14. https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-enquete-prospectus-publicitaires-face-au-flot-grandissant-le-stop-pub-n56417/
15. http://www.leblogadrexo.fr/5-idees-recues-sur-limprime-publicitaire/
16. https://www.adrexo.fr/6-points-pour-mieux-considerer-limprime-publicitaire/
17. https://www.mediapost.fr/wp-content/uploads/2019/04/MEDIAPOST_RSE-Guide-Papier-Numerique.pdf
18. http://observatoiredelapublicite.fr/wp-content/uploads/2011/02/Jaime-mon-prospectus.pdf
19. https://www.greenit.fr/2011/02/04/zero-prospectus-la-contre-attaque-greenwashing-des-imprimeurs/